[English]
Les sentiments se bousculent tellement en moi que je suis incapable de proposer une r�ponse �constitutionnelle� toute faite. Le fait d'enseigner depuis sept ans (en fran�ais) dans un des rares programmes universitaires destin�s aux minorit�s francophones me permet de comprendre intimement le combat que doivent livrer quotidiennement les francophones. Ils doivent se battre contre les attitudes de la soci�t� dominante qui vont de la haine � la volont� d'assimilation, en passant par l'indiff�rence. Dans les Prairies, c'est un combat qui dure depuis 1870. Dans plusieurs provinces, je connais des parents qui se d�m�nent depuis plus de 20 ans pour obtenir le droit � l'�cole fran�aise dans leur ville. Dans certains cas, ils se sont m�mes rendus jusqu'� la Cour supr�me, � plusieurs reprises, pour obtenir, de mauvaise gr�ce, une reconnaissance limit�e. Certains y ont laiss� toutes leurs �conomies, d'autres leur sant�. Dans certaines familles, les enfants ont d�cid� d'abandonner les revendications de leurs parents et grand-parents, consid�rant que c'�tait une �cause perdue�. En revanche, j'ai �t� extr�mement touch� par la joie, la cr�ativit� et la pers�v�rance de plusieurs g�n�rations. Il y a parmi eux des artistes, des �crivains, des animateurs de th��tre communautaire - qui proposent souvent une dimension interculturelle. Par exemple, �Le Travois�, � St-Norbert, au Manitoba, �The Gathering� � Lebret, en Saskatchewan, ont invit� des Cris, des Sioux et des M�tis, ainsi que des descendants de colons blancs � participer � leurs activit�s. J'ai connu peu d'�tudiants dont l'ascendance n'est pas m�tiss�e. Est-il souhaitable que telle �tudiante fasse une croix sur sa grand-m�re ukrainienne ou son p�re qu�b�cois, ou que tel autre �tudiant renie un parent breton, belge, acadien ou m�tis? La notion d'�identit� n'est pas simple, elle est souvent le r�sultat d'un choix d�lib�r� et se d�finit par la fa�on dont nous vivons.
J'ai grandi dans les Maritimes o� on pouvait reconna�tre les Acadiens au simple fait qu'ils ne parlaient pas - pas m�me l'anglais - de peur de se faire reconna�tre � cause de leur accent. Cette timidit� due au refoulement est le r�sultat de plus de 200 ans d'une existence marqu�e par la crainte, depuis le �Grand D�rangement� de 1755, de leur retour graduel (cf l'histoire de P�lagie-la-Charette), suivi par plusieurs g�n�rations d'existence �ill�gale� en tant que catholiques. Je constate avec soulagement que tout cela a chang� - depuis une g�n�ration, on assiste � une renaissance culturelle semblable � celle qui a eu lieu parmi les Premi�res nations, et sans doute pour les m�mes raisons.
J'ai travaill� pendant dix ans � Montr�al et je n'oublierai jamais la fa�on dont les Qu�b�cois m'ont accueilli dans leur cercle d'amis et dans leurs familles. J'avais des coll�gues qui �taient des f�d�ralistes convaincus et d'autres qui �taient des souverainistes tout aussi sinc�res - au Qu�bec, cette dualit� d'opinions est � l'origine d'une querelle de famille longue et am�re.
J'ai quitt� le Qu�bec en 1969, c'est-�-dire un an avant la crise d'octobre de triste m�moire, avant les enl�vements perp�tr�s par le Front de lib�ration du Qu�bec (FLQ) et avant la proclamation par le gouvernement canadien de la Loi des mesures de guerre. Je me souviens avoir entendu aux informations que plus de 400 personnes furent arr�t�es. Parmi ces gens-l�, il y avait des enseignants, des artistes, des m�res de famille dont les intentions pacifiques �taient ind�niables, qui furent arr�t�s et consid�r�s comme des suspects, simplement parce qu'ils figuraient sur des listes noires (souvenez-vous que la Commission royale MacDonald a r�v�l� par la suite l'existence d'une �quipe de d�nonciateurs et de 800 dossiers constitu�s sur des �radicaux canadiens� (surtout) anglophones, des f�ministes, des jeunes ayant particip� au programme Perspectives Jeunesse � la fin des ann�es 60, un programme qui ressemblait au Peace Corps am�ricain, et des pacifistes, � tel point que pratiquement toute une g�n�ration aurait pu �tre incarc�r�e aux termes de la Loi des mesures de guerre. Ma femme Barbara se souvient que les menaces de la GRC avaient contraint � annuler une r�union d'�tudiants en Colombie-Britannique - et pourtant, on ne pouvait pas craindre la pr�sence de membres du FLQ � Burnaby! La caricature dessin�e par l'humoriste Aislin dans le Montreal Gazette, nous montrant un ministre du Cabinet brandissant l'annuaire t�l�phonique de Montr�al et d�clarant : �Nous avons une liste de suspects� n'�tait pas tr�s �loign�e de la r�alit�. Certains de mes amis ont pass� plusieurs semaines � la prison de Parthenais, � Montr�al, o� l'Habeas corpus ne voulait plus rien dire du tout. D'autres ont milit� par la suite dans des comit�s d'aide aux prisonniers politiques et dans des groupes d'Amnistie Internationale - l'�quivalent exact du Meeting for Sufferings des Quakers.
Je me souviens que des dizaines de professeurs et de philosophes qui m'avaient enseign� � Toronto, dont certains que j'admirais beaucoup (jusque-l�), organis�rent des manifestations appuyant l'incarc�ration de mes amis. Des manifestations comme celles-l�, il y en a eu partout. Je me souviens d'avoir entendu, dans des tribunes t�l�phoniques, des gens affirmer �Mort aux frogs�. � peu pr�s � la m�me �poque, des �tudiants manitobains, interrog�s par Bob Altemeyer d�clar�rent qu'ils ob�iraient � des ordres officiels leur demandant de tirer sur une foule, quelles que soient ses couleurs politiques, que les manifestants appartiennent au Parti communiste ou au Parti progressiste-conservateur. L'autoritarisme canadien peut �tre aussi brutal que n'importe quel autre. Les commentaires du pasteur Martin Niemoller concernant l'apathie des Allemands � mesure que s'amplifiaient les pers�cutions nazies pourraient �galement s'appliquer � nous : �Ils sont venus chercher des communistes, mais je n'�tais pas communiste. Ils sont venus ensuite chercher des Juifs, mais je n'�tais pas juif. Quand ils sont venus me chercher, il n'y avait plus personne pour me d�fendre.�
Je suis incapable de faire la distinction entre mes pr�occupations au sujet du Qu�bec et mes prises de position sur la justice pour les francophones et les autres minorit�s, pour les autochtones et pour la paix (que je d�finis comme des conditions d'existence s�res et d�centes marqu�es par le respect de l'autre consid�r� comme un enfant de Dieu). Mon int�r�t pour les solutions non violentes m'a amen� � militer dans le mouvement pacifiste de Winnipeg o� j'ai pu constater que tous les pacifistes n'appliquent pas toujours leurs beaux principes dans leur rapport entre eux. C'est ce qui m'a amen� au Quakers. Mais je crois nous devons tous faire des efforts, car personne n'est parfait. Pendant ce temps, le gouvernement a renouvel� deux fois des accords concernant des essais de torpilles nucl�aires et de missiles de croisi�re et autorisant des entra�nements d'avion de premi�re intervention dans les territoires autochtones non c�d�s des Innus du Labrador; il a continu� � harceler la nation du lac Lubicon, en Alberta, et � lui raconter des mensonges, et � jeter les pauvres et les ch�meurs dans la rue. En parlant des Romains, quelqu'un a dit : �Apr�s avoir tout d�truit sur leur passage, ils ont d�cr�t� qu'ils avaient instaur� la paix�. Ce n'est pas le genre de paix � laquelle j'aspire. Permettez-moi de conclure sur une note un peu plus optimiste en citant une chanson consacr�e � la gr�ve de l'amiante, en 1948, cit�e dans Le Feu dans l'amiante, de J-J Richard : �Va Qu�b�cois, sois solidaire/Ne laisse pas fl�chir tes bras/D�livre-toi de la mis�re/La v�rit� t'attend l�-bas�.
la page WWW francophone universitaire "FRANCO"
http://www.ualberta.ca/~fmillar/franco.htmlla page "le Gymnase du francais"
http://www.ualberta.ca/~fmillar/gymnase.htmlla page "Franco pour momes 5-15 ans"
http://www.ualberta.ca/~fmillar/mome.html